Pour homélie nous avons lu un texte du père Lev Gillet.

A l’aube du dimanche, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé se rendent au Sépulcre. Nos journées seraient bénies si, chaque jour, « de grand matin » et plus particulièrement « le premier jour de la semaine », notre pensée se tournait vers Jésus triomphant de la mort. Le soleil « se levait » quand les femmes allèrent au sépulcre. Jésus est le vrai Soleil qui doit illuminer notre journée dès son commencement. La journée entière devient autre quand elle débute avec Jésus.

Les femmes ne savent comment elles parviendront jusqu’au corps de Jésus : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? ». L’Evangile précise que cette pierre « était fort grande ». Beaucoup d’entre nous peuvent se poser la question que se posaient les femmes. Car, dans beaucoup d’âmes, Jésus semble être enseveli comme en un sépulcre. Il semble paralysé, immobilisé, – même mort. Il est recouvert par une pierre pesante : la pierre du péché, de l’ignorance, de l’indifférence, la pierre de l’habitude mauvaise accumulée depuis des années. Nous voudrions peut-être enlever cette pierre et attendre le Seigneur vivant. Mais nous n’en avons pas la force. « Qui nous roulera la pierre ? ».

L’entreprise des femmes ne paraît pas – humainement parlant- pouvoir réussir. Et cependant elles se sont mises en route. Sans savoir comment elles entreront dans le sépulcre, elles marchent vers lui. De même, sans savoir comment sera ôté l’obstacle qui peut-être nous empêche d’avoir accès au Sauveur, ayons confiance. Faisons un premier mouvement. Levons-nous. Mettons-nous en route. Marchons vers Jésus que la lourde pierre sépare de nous. Que la foi et l’espérance nous guident.

Les femmes ne vont pas au sépulcre les mains vides. « Elles achètent des aromates pour aller oindre son corps ». Apportons nous aussi quelque chose au sépulcre. Même si nous sommes souillés par les plus grands péchés, apportons au sépulcre un commencement de bonne volonté, notre peu d’amour, un acte charitable envers d’autres, notre faible prière.

Sans doute ce ne sont pas nos pauvres dons qui obtiendront que la pierre soit ôtée, car notre accès à Jésus ressuscité et à la puissance de Sa Résurrection demeurent la présence magnifique et entièrement gratuite de la miséricorde divine. Mais le fait que nous ne nous acheminons pas vers le sépulcre avec des mains tout-a-fait vides montrera que notre cœur non plus n’est pas vide. Où sont les « aromates » avec lesquelles nous voulons « oindre » Jésus ?

Et voici que le miracle se produit. « Elles virent que la pierre avait été roulée ». Les femmes n’auraient pas pu enlever cet obstacle. Mais Dieu Lui-même y a pourvu. L’évangile que nous lisons ce dimanche ne précise pas comment la pierre de l’entrée du sépulcre fut roulée. Un autre évangile est plus explicite : « Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : l’Ange su Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre…. ». Ce verset est riche de sens.

Quand l’ange du Seigneur vient ôter la pierre du sépulcre. Il ne la roule pas doucement. Ce n’est pas une opération qui puisse s’accomplir sans effort, sans une commotion violente et profonde. Il y faut un tremblement de terre. De même, l’enlèvement de l’obstacle qui nous sépare de Jésus ne doit pas être conçu comme un ajustement partiel. Il ne s’agit pas d’ôter ou de déplacer quelques pierrailles, de modifier quelques détails en laissant l’ensemble aussi inchangé que possible. Là encore, un tremblement de terre total, atteignant tous les aspects de notre être. La conversion est un « tremblement de terre » spirituel.

L’ange vêtu de blanc, assis dans le sépulcre, dit aux femmes : « Jésus que vous cherchez… est ressuscité, il n’est pas ici. Voici le lieu où on l’avait placé ». Non seulement Jésus ressuscité n’est plus dans le tombeau, mais toute tentative de limiter, de localiser, de circonscrire sa présence est vaine désormais.

La piété humaine imagine parfois qu’elle peut lier la présence du Sauveur à certaines conditions ou circonstances – de temps, de lieu, d’action – ou à certaines formules intangibles. Mais Jésus est maintenant accessible en tout temps, en toutes circonstances. Il dépasse et fait éclater les cadres où certains chrétiens voudraient parfois l’enfermer- « où on l’avait placé ». On nous dira : « Il est ici », ou « Il est là » ; et il y est, quoique que peut-être autrement que ne le pensent les fidèles qui l’adorent « ici » et « là », mais il est aussi ailleurs, et nous pouvons partout découvrir sa présence. « Ne cherchez point parmi les morts celui qui est vivant », comme dit un autre récit de la Résurrection.

L’ange dit encore aux femmes : « Allez dire à ses disciples et notamment à Pierre, qu’il vous précède en Galilée : là vous les verrez, comme Il vous l’a dit ». Que signifie ce rendez-vous en Galilée, plusieurs fois mentionnée dans les Evangiles ?

Jésus veut-il simplement soustraire ses disciples à la curiosité et à l’hostilité des Juifs ? Veut-il, après des jours de trouble et d’angoisse, leur assurer un intervalle de tranquillité, dans une atmosphère bien différente de celle de Jérusalem ?

Peut-être aussi ne nous tromperions-nous pas en donnant des paroles de Jésus une explication plus profonde. C’est en Galilée qu’avait lieu la première, l’inoubliable rencontre de la plupart des Apôtres avec leur Maître. C’est là qu’ils l’avaient tout d’abord entendu et suivi et qu’ils lui avaient donné leur cœur. Maintenant que leur foi a été soumise à une dure épreuve – où ils ont été trouvés déficients – il leur sera bon de se replonger dans l’ambiance galiléenne, d’y retrouver Jésus, d’y retrouver aussi la fraîcheur et la joie de la première rencontre et d’y renouveler leur acte de foi et d’obéissance. Cela est vrai de nous aussi.

Il y a aussi une Galilée dans la vie de la plupart d’entre nous. Une Galilée : c’està-dire un moment déjà peut-être lointain, où nous avons rencontré Jésus personnellement et où, pour la première foi, nous l’avons écouté, nous avons essayé de Le suivre. Beaucoup de péchés, d’oubli, de négligence nous ont peutêtre, par la suite, séparés du Seigneur. A l’heure de la crise décisive, nous avons, comme les apôtres, peut-être abandonné le Maître. A nous aussi Jésus ressuscité fixe un rendez-vous en Galilée. Il nous demande de faire revivre en nous le souvenir et la ferveur de la première rencontre.

Si nous essayons de redevenir tels que nous étions alors, nous le retrouverons Lui-même. Ne disons pas : « C’est trop difficile ». Car Il nous préparera la route : « Il vous précède en Galilée…. ». Invisible et présent, Il marche devant nous vers cette Galilée de l’âme ; si nous le suivons, chaque pas nous deviendra plus facile, et un moment viendra où, sinon par les yeux du corps, du moins par les yeux de la foi et de l’amour, nous atteindrons une certitude inébranlable de Sa présence : « Là vous le verrez… ».

(Source : « Catéchèse orthodoxe L’an de Grâce du Seigneur » – un moine de l’Eglise d’Orient
– édition du Cerf – 1988)

30/04/2023

Source: Dimanche-des-Myrrhophores_Pere-Lev-Gillet.pdf (paroisseorthodoxeorleans-christsauveur.com)