Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen.

Chers frères et sœurs,

La parabole du Fils prodigue est un trésor qui nous est donnée. Placée par l’Eglise durant la période préparatoire du Grand Carême, elle nous invite à la conversion, au retour vers la maison du Père. Mais allons-y pas par pas, car la parabole trace ce chemin avec divine finesse.

Dieu le Père a créé l’homme par amour. Et par cette amour, il a fait l’homme à Son image, image qui s’exprime dans la liberté qui nous a été donnée. Le Père donne ce bien gratuitement, sans condition. Il respecte en tout cette liberté qu’Il a donné à l’homme, par amour et jusque dans Son jugement, duquel nous parlerons un des dimanches à venir.

Le deuxième fils dans la parabole décide de quitter la maison du père, d’aller vivre loin de sa maison et surtout, de dissiper les biens qu’il a reçus. Il est là le grand drame de notre humanité. Nous le voyons dans le récit de la Genèse et par extension dans l’histoire du peuple élu, nous le voyons dans notre propre vie. Non seulement l’homme s’éloigne de Dieu, mais il dissipe par le genre de vie qu’il mène les dons qu’il a reçu gratuitement. En croyant mettre à profit sa liberté, mais en usant mal de celle-ci, l’homme perd cette liberté. La liberté ne se trouve nullement dans les passions et les péchés. Ceux-ci nous mènent à l’esclavage et dans un état encore plus bas que les animaux sans raison.

Ensuite nous vivons dans la parabole le mystère du retournement du cœur. L’absence de grâce éprouve le fils. Il voit par son état où il est privé de tout bien vers où sa vie de débauche l’a mené. Une étincelle dans son âme ravive son désir vers la maison de son père et lui montre toutes ses errances. Ses péchés lui sont dévoilés, il en ressent un profond repentir. Le sens du jeûne, dans le contexte ecclésial, est là. Quand nous vivons dans la facilité, quand nos désirs et passions sont constamment comblées, nous ne pouvons pas ressentir, ou très difficilement, cette perte de Dieu. L’absence de grâce est couverte et adoucie par des substituts, que ce soit la nourriture, les distractions, etc. Nous vivons l’illusion d’une autonomie par rapport à Dieu. Nous devons donc éprouver notre corps afin de vivre quel que soit peu la condition du fils dans la parabole. Le contexte ecclésial est important car il combine le jeûne à l’obéissance, obéissance qui est intimement liée à la liberté.

Suit le plus merveilleux passage de la parabole. Le père, voyant l’esprit de repentir chez son fils, vient à sa rencontre, il court même à sa rencontre, nous dit la parabole, et le couvre de son amour. Nous voyons dans la Parabole que cela se passe avant même que le fils lui ait exprimé en parole son repentir. En réalité, l’Amour du Père pour sa créature est continu, immuable. C’est l’homme qui refuse et ne voit plus l’amour divin en usant mal de sa liberté. Le fils de la parabole, par le retournement de son âme vers son père, est à nouveau capable de sentir et d’accueillir cet Amour divin.

Et alors, la joie dans la maison du père est totale. Le fils reçoit en retour les dons qu’il avait perdu ! Le veau gras est mangé ! Chaque homme qui revient vers Dieu est source d’immense joie dans le Royaume Céleste. La joie, la vie est également abondante dans le cœur du second fils, cette joie-là il ne l’a pas connu dans sa vie de débauche.

Je crois que la dernière partie de la parabole, celle qui nous parle du frère aîné, nous parle de l’éloignement de Dieu par un endormissement dans la religiosité. Le frère aîné reste dans la maison de son père, mais en réalité dans son cœur, par jalousie, par orgueil, par sentiment de supériorité, par mentalité d’ayant droit, il s’en éloigne. Si le cadet quitte consciemment loin du père, l’aîné n’est pas conscient de sa dérive. C’est un appel à la vigilance qui nous est adressé. Nous vivons sur le seuil de la porte de la maison du Père. Nous avons été comblés par le don de croire en Dieu, nous avons reçu la grâce du baptême et de la communion eucharistique, nous avons en nous ce désir de participer à la vie de l’Eglise, nous confessons être membre du Corps du Christ. Et pourtant nous ne sommes pas exempts de péchés, nous vivons aussi des éloignements répétitifs, et sans vigilance, nous nous laissons endormir dans la religiosité. L’humilité du publicain est la voie à suivre, la bienveillance doit être notre attitude envers autrui. Laissons loin derrière nous le sentiment de supériorité, d’ayant droit, car grand est le précipice qui se trouve derrière.  

Le fils de la parabole témoigne d’une conversion totale. Parmi les saints de l’église nous pouvons voire des hommes, des femmes, qui vivent se retournement du cœur avec une telle intensité. Il n’en est pas ainsi pour la majorité. Notre retour vers la maison du Seigneur se fait à travers des chutes répétitives, de façon saccadée, notre repentir est incomplet. Nous n’expérimentons pas tous avec la même force cette absence de grâce et ce désir de retour vers Dieu. Il ne faut pourtant pas désespérer. Ce qui est impossible à l’homme, est possible à Dieu. Gardons devant nous cette image du père venant à la rencontre de son fils ! La compassion et la miséricorde de Dieu le Père sont infiniment plus grandes que notre capacité à nous repentir. Débutons donc la période de carême dans un esprit d’humilité et d’espoir !

Amen.