Enfance, adolescence et âge adulte constituent trois étapes distinctes dans le développement spirituel de l’homme.

D’un point de vue spirituel, un « enfant  » c’est une personne qui vit centrée sur elle-même. Il projette ses besoins sur les autres, se nourrit de leur reconnaissance et de leur admiration, perçoit toute chose et toute personne comme un moyen de se préserver, et craint la solitude plus que les enfants craignent l’obscurité. Le fanatisme est le principal symptôme de cette immaturité.

L’infantilisme spirituel est une forme d’autisme. Il consiste en une incapacité à communiquer avec l’autre, qui, en tant que simple extension de moi-même, est en fait comme s’il n’existait pas, ou plutôt, pour être plus précis, n’existe qu’en tant que consommable. Pour celui qui est encore un enfant spirituel, le seul être humain, c’est lui-même ; tous les autres ne sont que des humanoïdes ; il peut donc les sacrifier sans remords sur l’autel de sa propre conservation, puisqu’ils ne sont que des moyens nécessaires à la perpétuation de sa supériorité.

On entre dans l’adolescence spirituelle dès que l’on commence à reconnaître l’autre comme son égal. La découverte de la valeur de l’autre présuppose très souvent l’expérience douloureuse de l’amour. L’amoureux apprend la valeur de l’autre au moment où il réalise qu’il n’est rien sans lui. Pour l’amoureux, l’autre n’est plus un moyen de perpétuer sa supériorité, mais un semblable égal qui peut même avoir sur lui le pouvoir de vie et de mort.

L’«adolescent» spirituel sait écouter son prochain, dialoguer avec lui, apprendre de lui, et enfin l’aimer au moins autant que lui-même. Il désire être membre d’une communauté où tous sont au moins égaux et reconnaît dans cette communauté la forme la plus noble possible pour une vie heureuse. Le partage est la manifestation suprême de l’adolescence spirituelle.

Un « adulte » spirituel est quelqu’un qui vit non seulement pour plaire à quelqu’un d’autre, mais surtout pour plaire à l’Homme-Dieu, le Christ, lui-même. St Grégoire Palamas nous rappelle que la Sainte Trinite a recréé la nature humaine afin que chacun de nous puisse devenir par la grâce ce que l’Homme-Dieu Jésus est lui-même par nature. Jésus-Christ nous pardonne et nous guérit, comme il l’a fait pour l’homme paralytique, parce que c’est Lui qui nous a recréé selon la volonté de son Père et la grâce du Saint Esprit. Pour l’homme spirituel adulte, le Christ est ainsi son soi le plus authentique. Il désire mourir jusqu’à la moelle de ses os afin de vivre entièrement et, si possible, uniquement par le Christ. L’adulte en Christ aime tout le monde et désire servir tout le monde avec l’amour du Christ qui nous embrasse tous.

La déification de l’homme par la grâce est généralement un processus douloureux et long – comme s’il s’agissait de changer de peau.  Les résistances mobilisées sont énormes, mais l’Assistance divine les aplatit toutes comme si elles étaient faites de papier. La vie de l’adulte spirituel se résume alors à « merci, pardon, je t’en prie ». Il remercie le Christ pour tout, désire être pardonné en tant qu’indigne du Christ pour tous ses dons divins, et lui demande que tout soit fait comme Il l’a voulu avant la création du temps. Le Christ est maintenant le grand bien-aimé, non pas parce que l’homme est digne de l’aimer, mais parce qu’Il se connaît lui-même comme l’Amour absolu qui nous désire tous malgré nos ténèbres.

Les étapes du développement spirituel de l’homme ne correspondent pas nécessairement aux étapes de son développement psychosomatique. Nombreux sont les cas de saints hommes et de saintes femmes qui ont été spirituellement adultes dès leur naissance, tout comme plus nombreux encore semblent être les cas d’enfance spirituelle jamais dépassée.

Que Dieu nous bénisse et nous aide lors de cette période de combat spirituel et tout au long de notre parcours terrestre pour que chacun puisse trouver à son rythme en Jésus-Christ le trésor de sa vie.

2e Dimanche du Grand Carême, 10.3.2023.

Archiprêtre Dr. Georgios Lekkas