Extrait de la vie du saint Ephrem de Katounakia [1]

De l’époque où il se rendait régulièrement à Saint-Paul, nous vient une anecdote sur la puissance du « Bénissez ! ».

Chaque fois qu’il se rendait au monastère, il passait devant le jardin et le jardinier le chargeait de divers légumes pour les Anciens de Katounakia. L’higoumène, le père Séraphim, le mit en garde : « Mon enfant, n’aie pas trop de relations avec le jardinier, le père Benoît, c’est quelqu’un qui a un caractère un peu difficile. »

 Un jour, le jardinier lui donna un pantalon à raccommoder. Quand il le rapporta reprisé, il le laissa avec d’autres vêtements chez l’higoumène. Venant à passer devant le jardin, comme d’habitude, le Père Benoît le vit.

« Où est le pantalon ? », demande-t-il abruptement au jeune homme de Katounakia qui se tenait, penaud, en haut du petit escalier de pierre qui descendait vers le jardin.

« Je l’ai laissé chez l’higoumène », lui répondit, un peu déconcerté par le ton du jardinier.

« Eh bien, est-ce que c’est l’higoumène qui te l’a donné ? », explosa-t-il avec fureur.

Fatigué par le trajet, le jeune moine ne se contint plus mais il lui répondit du tac au tac.

« Dis donc, l’higoumène est-il si loin que tu ne puisses pas aller le chercher ? », lui répliqua-t-il aigrement. Et, jetant de l’huile sur le feu, il ajouta : « Si tu étais quelqu’un de correct, tu me remercierais de l’avoir réparé et tu me donnerais deux légumes pour que je vaque à mes affaires. »

Le jardinier écuma de colère et, hors de lui, se pencha à la recherche de pierres pour les jeter sur le jeune audacieux. Mais celui-ci, sous le coup d’une illumination divine, pris les devants. Il se pencha humblement pour faire une grande métanie :

« Bénissez, Père, j’ai commis une faute ! », s’écria-t-il.

« Voyez ce qui se produisit alors, nous raconta l’Ancien, admirant le pouvoir du « Bénissez ! » : le jardinier se redressa bien droit ballant. »

« Qu’est-ce que je vais te faire maintenant, qu’est-ce que je vais te faire maintenant ? », articula-t-il dans un souffle, radouci et désarmé.

« Bénissez, Père, répéta le jeune novice, c’est humain, un mot de trop m’a échappé, pardonnez-moi ! ».

« Allez, que Dieu te pardonne », dit le jardinier plein d’indulgence.

« Et désormais il ne manquait pas de me donner des produits du jardin, quand je venais à passer. »


[1] Père Joseph de Katounakia, L’Ancien Ephrem de Katounakia, dans Grands spirituels orthodoxes du XX siècles, Edition l’Age d’Homme, Clamecy, 2003, p.24-25