Pour homélie, en ce dimanche du Paralytique, nous avons lu un extrait du livre :

Antoine Bloom (Métropolite Antoine de Souroge), Rencontre avec le Dieu vivant, Lecture spirituelle de l’évangile selon saint Marc, Les Editions du Cerf, Paris, 2004, pag. 67-69.

Citation :

Plus d’une fois au cours de sa vie, le Christ s’adresse à l’homme malade qui aspire à la guérison et lui demande : « Veux-tu guérir ? » Tout naturellement nous nous demandons : mais qui donc ne désire pas être en bonne santé ? Que signifie cette question, pourquoi la poser ? Nous tous, tant que nous sommes, ne répondrons-nous pas : je veux guérir toutes mes maladies, je veux être en bonne santé, plein de force et de sagesse, en possession de toutes les forces spirituelles et physiques qui m’ont été données, mais qui sont comme étouffées par la maladie et le péché ? Qui ne voudrait pas sentir que son corps n’est pas un fardeau, et même ne voudrait pas vaincre la vieillesse… ?

La question n’est pas aussi simple, parce que la guérison ne se réduit pas à un simple changement de notre état de vie. La question se pose dans les termes suivants : si l’on augmente la durée de vie de l’homme que tu es, quelle direction prendra ta vie ? Elle courra lentement à sa perte. La fin du processus morbide de décomposition qui s’est amorcé en toi t’amènera à la mort. Souhaites-tu une autre issue ? Ou bien désires-tu prolonger ta vie dans l’état où elle est : te réjouir à ta mesure, pécher à ta mesure, te repentir en t’ébrouant comme un chien tombé dans une mare qui s’ébroue et poursuit sa course ? Souviens-toi cependant que, selon les lois de la nature, tu ne peux que te dégrader et aboutir à la mort. Si tu reçois aujourd’hui la guérison, grâce à un miracle venant de Dieu, ou grâce aux prières d’un saint, ou grâce à la chrismation ou à la communion aux Saints Dons, cette guérison faisant suite à l’ébranlement d’un repentir authentique et profond, alors ce don d’une vie renouvelée, ce retour de la santé, de la plénitude d’être, ne sont déjà plus soumis aux lois naturelles. Une telle vie est offerte comme un don nouveau, c’est comme si nous étions passés par la mort à la résurrection. Désormais, il nous faut vivre en nous dépouillant des repères de la vie ancienne qui nous a menés à l’état actuel. Désormais, il nous faut vivre en nous souvenant que tout ce qui vient de nous être accordé : santé physique, santé spirituelle, intégrité de notre personne, tout cela constitue une vie nouvelle qui appartient à Dieu. Dieu nous l’a donnée pour que nous vivions dans un esprit créateur et digne de notre statut d’être humain et de l’amour de Dieu. Comme dit l’apôtre Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ vit en moi » (Ga, 2,20).

Si l’on aborde ainsi ce problème, alors s’éclaire le sens de la question posée par le Christ : veux-tu vivre en plénitude ? ou bien veux-tu tout simplement être délivré du poids de la maladie pour vivre plus confortablement le genre de vie que tu menais auparavant : boire, manger, avoir une conduite déréglée, être esclave de tous tes caprices, sans prendre en considération ni ton prochain, ni la vie, ni toi-même ? Si tu dis : oui, Seigneur, je veux être guéri!, cela signifie : je veux qu’aujourd’hui s’achève ma destinée naturelle, terrestre, et que commence une destinée neuve, dont la réalisation dépendra de mon union avec toi et avec ta vie, dans l’énergie et l’esprit créateur que tu veux transmettre au monde à travers la personne.

Et si cette question se pose à l’un d’entre nous, nous devons savoir que la guérison signifie l’extinction du passé et l’entrée dans l’éternité. Parce que l’éternité ne consiste pas à se dire qu’un jour, après notre mort, nous vivrons une vie qui n’aura pas de fin. L’éternité, c’est notre union à Dieu. Il est, lui, l’éternité même, la vie même, la réalité même. Sommes-nous prêts à disposer ainsi de notre vie ? Saurons-nous puiser en nous le courage, l’audace, l’esprit de décision, la constance, pour recevoir de Dieu la vie nouvelle et abandonner tout ce à quoi nous avons été soumis, tout ce qui nous a asservis dans notre vie ancienne.