Série: Cours de Catéchèse. Par l’Archiprêtre Dr Georgios Lekkas.

La Divine Liturgie est, selon Saint Nicolas Cavassilas, la « représentation de l’économie rédemptrice » [16, §9] et plus particulièrement c’est une mystagogie dans l’œuvre de la Divine Incarnation [12, §11: c’est par l’Incarnation du Seigneur que les hommes ont appris qu’il y a trois Personnes en Dieu. Or, les mystères qui vont s’accomplir sont la célébration de cette Incarnation].
La Divine Liturgie est un ensemble des « paroles chantées », des « paroles prononcées » et des « actions accomplies » [16, §6] qui nous présente l’œuvre de l’Économie du Seigneur par étapes et dans l’ordre où cette œuvre a été accomplie par le Seigneur lui-même. La Petite Entrée, pour l’Incarnation divine. Les lectures, pour l’enseignement du Seigneur Jésus et l’Anaphore, pour son Sacrifice, sa Résurrection et la Pentecôte [22, §5: ce ne fut pas tout d’un coup que le Seigneur montra aux hommes toute l’étendue de sa puissance et de sa bonté (comme il sera le cas en effet lors de sa seconde manifestation [correction LEKKAS]); mais il procéda progressivement du plus obscur au plus éclatant. Voilà pourquoi, si l’on veut figurer sa manifestation survenue peu à peu, il convient de lire les écrits apostoliques avant les évangiles. Les textes révélateurs de sa suprême manifestation sont eux-mêmes réservés pour la fin].
Le souvenir de la Passion du Seigneur est au centre de la Divine Liturgie, car la faiblesse humaine du Christ a servi de moyen à notre salut. [7, §3: En d’autres termes, qu’aurons-nous à rappeler de lui ou à rapporter de sa vie? Sera-ce d’affirmer qu’il ressuscita les morts, qu’il rendit la vue aux aveugles, qu’il commanda aux vents, que de quelques pains il rassasia des multitudes? Nullement. Mais bien plutôt, de rappeler des faits qui semblent ne signifier que faiblesse : la croix, la passion, la mort; c’est en quoi il nous a ordonné de faire mémoire de lui].
La Passion, observe Saint Nicolas, est plus importante que les miracles du Seigneur, car c’est par sa Passion qu’Il nous a sauvés, tandis que ses miracles sont surtout la preuve de sa divinité. [7, §5: Pourquoi donc mentionne-t-il non point ses miracles, mais sa passion? C’est que celle-ci est plus nécessaire que ceux-là : la passion est cause efficiente de notre salut, et sans elle l’homme ne pourrait être redressé; tandis que les miracles sont simplement des signes démonstratifs, ils ont été accomplis pour qu’on ajoutât foi à Jésus comme étant véritablement le Sauveur.]
LA COMMEMORATION DE LA PASSION du Seigneur a pour but premier de remercier notre Bienfaiteur qui, par sa Passion, nous a sauvés de la mort. [9, §1: Pour quel motif le Sauveur a-t-il donné cet ordre, et à quelle fin nous a-t-il demandé cette commémoration? Afin que nous ne soyons pas ingrats.]
Nous offrons donc nos dons, du pain et du vin, la nourriture humaine suprême que l’homme prépare pour lui-même [3, §4: Nous appelons humain ce qui convient à l’homme seul : or, avoir besoin de confectionner du pain pour manger et de fabriquer du vin pour boire, c’est le propre de l’homme seulement. Telle est la raison de cette forme d’oblation], pour le remercier et le supplier [10, §4: l’action de grâces à Dieu et la supplication sont le sujet, le motif de la présentation des précieux dons].
Et tandis que nous lui offrons les prémices de notre vie biologique, Il nous offre la vie éternelle par son Saint Corps et son Saint Sang. [4, §2: C’est lui qui a ordonné d’offrir du pain et du vin ; c’est lui qui, en échange de ces offrandes, nous donne le pain vivant et le calice de la vie éternelle. De même qu’il donna aux Apôtres pêche pour pêche, de pêcheurs de poissons les faisant pécheurs d’hommes; de même qu’au jeune homme qui l’interrogeait au sujet du royaume, en échange de la richesse terrestre il promit les biens du ciel; de même ici, à ceux à qui il devait donner la vie éternelle (je veux dire son corps et son sang vivifiant), à ceux-là il a ordonné d’offrir des aliments de la vie périssable : afin que nous recevions vie pour vie, l’éternelle pour la temporelle].
Ce grand sacrement de l’Église s’appelle Eucharistie et non Supplication car, selon Saint Nicolas, les choses pour lesquelles nous remercions Dieu sont beaucoup plus et beaucoup plus importantes que celles pour lesquelles nous le supplions. [52, §2-4: Puisque le sacrifice est à la fois eucharistique et impétratoire, pourquoi ne lui donne-t-on pas l’un et l’autre nom, Eucharistie et Supplication, mais seulement celui d’Eucharistie? Le nom est pris de l’élément le plus important. Les motifs d’action de grâces sont plus nombreux que les motifs de supplication. Le nombre des bienfaits que nous avons reçus dépasse le nombre de ceux que nous sollicitons. Ces derniers ne sont qu’une partie, les autres forment un tout. Les biens que nous demandons d’obtenir ne sont qu’une partie de ceux que nous avons reçus. Car en ce qui concerne Dieu, nous avons tout reçu, et il n’est rien qu’il ait omis de nous donner. Mais il y a des biens qu’il n’est pas encore temps pour nous d’obtenir : ainsi l’incorruptibilité corporelle, l’immortalité et le règne dans les cieux. Il y en a que nous ne conservons pas après les avoir reçus : ainsi la rémission des péchés et toutes les autres grâces que nous recevons par le moyen des sacrements. Il y en a que nous avons perdus : soit parce que nous les avons mal employés, soit aussi afin que nous ne devenions pas pires en les retrouvant : telles l’aisance, la santé, la fortune, dont nous avons fait matière de plaisir et de perversité; soit que, en vue d’un plus grand profit, nous soyons, comme Job, privés des biens que nous possédions. Par où il est clair que ce n’est pas Dieu qui a donné (directement) occasion à la supplication; il ne nous a fourni que des motifs d’action de grâces. C’est nous qui, nous étant causé à nous-mêmes par notre mollesse cet état d’indigence, nous mettons dans le besoin de supplication.]
La distinction entre ce qui précède la consécration des dons et ce qui la suit est très importante pour Saint-Nicolas. [1, §2: soit avant la consécration des éléments soit après cette consécration].
Une fois la prière de l’Anaphore achevée, le sacrifice, nous rappelle-t-il, a été accompli. Sur le Saint Autel repose désormais le Corps du Seigneur, qui a été immolé, est ressuscité et est monté au ciel. [27, §1-2: Le prêtre offre alors personnellement l’action de grâces à Dieu; il le glorifie, le loue avec les anges, le remercie pour tous les bienfaits qui nous sont venus de Lui depuis l’origine. Il mentionne en dernier lieu cette ineffable et incompréhensible économie du Sauveur à notre égard; puis il consacre les précieux dons, et le sacrifice est tout entier accompli. […] Ces paroles dites, le tout du rite sacré est accompli, les dons sont consacrés, le sacrifice est achevé; la grande victime, le corps du Seigneur, immolé pour le salut du monde, se trouve étendue sur l’autel. Car ce n’est plus le pain, jusqu’ici symbole du corps du Seigneur et simple offrande portant l’image de la véritable oblation, ou qui contient comme en un tableau une représentation de la salutaire Passion; mais c’est l’oblation véritable elle-même; c’est le corps même du Maître infiniment saint; ce corps qui a réellement reçu tous ces outrages, ces insultes, ces coups; ce corps qui a été crucifié, immolé, qui a rendu sous Ponce Pilate un si bon témoignage, qui a été souffleté, torturé, qui a enduré les crachats, qui a goûté au fiel. Pareillement, le vin est devenu le sang même qui a coulé de ce corps très pur. C’est ce corps, avec ce sang, formé par le Saint-Esprit, né de la Vierge sainte, qui a été enseveli, qui le troisième jour est ressuscité, qui est monté aux cieux, et qui est assis à la droite du Père.]
C’EST LA TRANSFORMATION qui a lieu plusieurs fois, souligne le Saint Père, alors que le Sacrifice du Seigneur n’a eu lieu qu’une seule fois. [32, §13-14: Puisque ce sacrifice a lieu non point par l’immolation sanglante actuelle de l’Agneau, mais par la transformation du pain en l’Agneau immolé, il est clair que le changement s’opère, mais que l’immolation sanglante ne s’accomplit pas présentement. Ainsi la chose changée tient lieu d’un grand nombre, et le changement se réalise plusieurs fois. Mais la réalité en laquelle se produit cette transformation, rien n’empêche qu’elle soit une seule et même chose, un corps unique, et unique aussi l’immolation de ce corps.]
Le but ultime de la transformation des dons en Corps du Christ est, nous rappelle le Saint Père, la sanctification des fidèles, le pardon de leurs péchés et l’héritage du Royaume des Cieux. [1, §1: Dans la célébration des saints mystères […] le but, c’est la sanctification des fidèles, qui par ces mystères reçoivent la rémission de leurs péchés, l’héritage du royaume des cieux et tout ce que cela implique.]
Mais pour que l’homme puisse recevoir les dons divins et les conserver en lui, il faut s’ouvrir à la grâce de Dieu et coopérer avec Lui. [1, §2: S’il est vrai, en effet, que Dieu nous donne gratuitement toutes les choses saintes, et que nous, nous ne lui apportions rien, mais que ce sont absolument des grâces de sa part, cependant il exige nécessairement de nous que nous devenions aptes à les recevoir et à les garder].
PARMI LES PRESUPPOSITIONS PRINCIPALES pour recevoir les Saints Dons, Saint Nicolas cite la foi, la paix et l’amour.
La foi nous donne de l’assurance dans la prière [12, §19: Si l’homme se sent la conscience harcelée par ses propres péchés et le cœur mis en accusation, et qu’il soit sous l’effet de ce trouble intérieur, il sera dépourvu de toute assurance auprès de Dieu, conformément à cette parole: « Quand il prie, il prie sans assurance », c’est-à-dire sans foi. Or, celui qui prie sans foi prie en vain et sans aucune utilité.]
La paix rend chacun de nous une unité afin que chacun de nous puisse se présenter uni devant le Dieu trinitaire qui est un et simple. [12, §19: En disant la paix, il n’entend pas seulement que nous ayons la paix les uns avec les autres, consistant à éviter les mutuelles rancunes, mais la paix avec nous-mêmes, en vertu de laquelle notre cœur ne nous condamne point. Grande est l’utilité de cette paix; ou plutôt, elle nous est d’une absolue nécessité. Car l’esprit agité ne saurait en aucune façon avoir commerce avec Dieu, en raison même de la nature de cette agitation. De même que partout la paix établit l’unité parmi la multitude, de même l’agitation fait de l’individu une multitude. Comment donc celui-ci pourrait-il s’unir au Dieu un et simple? Ajoutez qu’il ne peut pas prier convenablement, celui qui prie sans paix, ni dûment recueillir quelque fruit de sa prière.]
Enfin, l’amour chaleureux nous donne la clé pour entrer en toute sécurité dans le Mystère [1, §13: En admirant ainsi l’ineffable nouveauté de l’œuvre du salut, émerveillés par l’abondance des divines miséricordes, nous sommes portés à vénérer Celui qui à ce point nous a pris en pitié, Celui qui nous a sauvés à ce prix; à lui confier nos âmes, à lui remettre notre vie, à enflammer nos cœurs au feu de son amour. Ainsi préparés, nous pouvons en toute assurance et assiduité prendre contact avec le brasier des augustes mystères.]
POUR S’OUVRIR, il ne suffit pas de faire des efforts. Dans la Divine Liturgie, nous utilisons donc des paroles qui ont le pouvoir d’ouvrir nos esprits et nos cœurs. [1, §5: par la vertu même des paroles dites ou chantées, nous tirons d’elles notre profit en vue de la célébration.]
En particulier, par les prières, les chants et le sacerdoce dans son ensemble, les fidèles sont aidés à s’ouvrir pour recevoir leur sanctification et même pour l’entretenir. [1, §4: Ainsi donc, puisque, pour obtenir l’effet des divins mystères, il était nécessaire de s’en approcher en bon état et dûment préparés, il fallait aussi que cette préparation se trouvât dans l’arrangement du rite sacré, et elle s’y trouve en effet. Voilà bien en vérité ce que peuvent réaliser en nous les prières, les psalmodies, ainsi que tous les gestes sacrés et les formules que renferme la liturgie. Cela nous purifie et nous dispose soit à bien recevoir, soit à bien conserver la sanctification et à en rester possesseurs.]
Ce sont surtout les lectures, dit le Saint Père, qui mettent la crainte de Dieu dans nos âmes, qui allument en nous son amour et qui créent aussi en nous le désir d’observer ses commandements. [1, §6: Quant aux leçons de la sainte Écriture, qui proclament la bonté de Dieu et son amour pour les hommes, mais aussi la rigueur de sa justice, elles inspirent à nos âmes la crainte du Seigneur, y allument l’amour envers lui, et par là suscitent en nous une grande ardeur à observer ses commandements.]
Enfin, les prières et les chants nous incitent à retourner vers Dieu et ils œuvrent pour le pardon de nos péchés. [1, §6: Les prières nous orientent vers Dieu et nous procurent le pardon de nos péchés ; les psalmodies nous rendent Dieu propice et attirent sur nous le mouvement de miséricorde qui en est la conséquence.]
Le croyant est appelé à ne pas comprendre intellectuellement le sacrement de l’Eucharistie, mais à s’y exposer de tout son être. Grâce à une telle exposition à l’Économie salvatrice, le croyant voit grandir sa foi, sa piété et son amour pour Dieu et pour tous [1, §13: En admirant ainsi l’ineffable nouveauté de l’œuvre du salut, émerveillés par l’abondance des divines miséricordes, nous sommes portés à vénérer Celui qui à ce point nous a pris en pitié, Celui qui nous a sauvés à ce prix; à lui confier nos âmes, à lui remettre notre vie, à enflammer nos cœurs au feu de son amour] et, ce faisant, devient finalement « dieu par la grâce » [1, §15: Ajoutant de la sorte sanctification à sanctification, celle du rite sacré à celle des contemplations, nous sommes transformés de clarté en clarté, c’est-à-dire de la clarté inférieure à celle qui est la plus grande de toutes.]
LA SAINTE COMMUNION constitue l’union de l’homme avec le Fils bien-aimé de Dieu et c’est ainsi que la réconciliation de l’homme avec Dieu devient possible [44, §5: Si donc il faut croire que quelque manière de repos revient aux âmes du fait des prières des prêtres et de l’offrande des dons sacrés, nous devons d’abord croire que cela se réalise de la seule façon où il soit possible à l’homme de jouir du repos. Quelle est cette manière? On vient de le dire : c’est d’être réconcilié avec Dieu, de ne plus être son ennemi. Et comment cela? En étant uni à Dieu, en devenant un seul esprit avec le Bien-Aimé en qui seul le Père s’est complu. Or, c’est là l’œuvre de la table sacrée], car ce n’est que par le Christ que la paix, la réconciliation de l’homme avec Dieu et la participation aux biens divins sont possibles. [44, §2: sans le Christ, les âmes ne peuvent avoir la vie véritable et la paix. Car c’est lui seul qui réconcilie avec Dieu, lui seul qui produit cette paix sans laquelle nous restons ennemis de Dieu et privés de tout espoir d’avoir une part quelconque aux biens venus de Lui.]
Le Christ, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, nous unit à Lui et nous donne la vie éternelle selon la dignité de chacun. [44, §1: Il nous unit à lui et, à travers sa personne, nous fait part des grâces qui lui sont propres, selon le mérite de chacun et selon le degré de purification]. L’Esprit Saint administre les sacrements, nous rappelle le Saint Père, et le prêtre n’est que l’instrument qui le sert. [46, §12: C’est la grâce qui opère tout. Le prêtre n’est qu’un ministre, et qui n’a même pas de son propre fonds cette qualité de ministre, car cela aussi lui vient de la grâce.]
Et certes, nous recevons le Corps du Seigneur à travers notre corps, mais c’est d’abord notre âme qui en bénéficie et c’est à travers elle que la sanctification atteint notre corps. [43, §1: Ceux qui vivent encore dans le corps reçoivent la communion par le moyen du corps, mais elle pénètre tout d’abord dans la substance de l’âme et, par l’âme, passe au corps. C’est ce qu’indique le bienheureux Apôtre quand il écrit : « Celui qui s’unit au Seigneur est avec lui un seul esprit », parce que cette union et ce commerce ineffable s’accomplit d’abord et principalement dans l’âme.]
La preuve en est, selon le Saint Père, la sanctification des défunts par l’Eucharistie. [43, §5: tous les éléments relatifs au rite sacré sont communs aux vivants et aux morts]. L’absence de corps mortel n’entrave en rien leur sanctification ; au contraire, affirme le Saint Père, elle rend leur sanctification encore plus efficace que celle des vivants, puisque leur âme n’est plus en danger de commettre de nouveaux péchés. [45, §4: Ainsi le divin sacrifice de l’Eucharistie est aussi pour les défunts, comme il est pour les vivants. […] Les trépassés n’ont aucune infériorité sur les vivants; bien plutôt possèdent-ils, au sens indiqué, un réel avantage.]
L’HOMME A ÉTÉ CREE POUR GLORIFIER DIEU, et ce n’est que dans la glorification de Dieu que son âme se repose. L’Eucharistie a été donnée à l’homme pour que le but pour lequel il a été créé soit enfin rendu possible. [23, §4: Que ce soit toujours et en tout notre but, de voir Dieu glorifié. […] Nous sommes, en effet, des esclaves qui devons à notre Maître ce service pour lequel nous avons été créés par lui, puis rachetés. Voilà pourquoi vous constaterez que l’Église porte toujours et partout le souci de la gloire de Dieu, qu’elle proclame ce mot à tous les échos, qu’elle chante cette gloire sur tous les tons, que tout est là à son sens, qu’elle fait véritablement tout pour la gloire de Dieu : prières, supplications, initiations, exhortations, tout ce qu’il y a de plus sacré.]
[Pour les références au texte utilisé, voir le lien en ligne : foi-orthodoxe.fr]

Paroisse du St Silouane d’Athos et du St Martin de Tours (Bruxelles), 28.5.2023.