Ce dimanche nous avons lu une homélie de Père Boris de bienheureuse mémoire.
Homélie de Père Boris Bobrinskoy, 1999.
Le Christ est ressuscité !
L’évangile d’aujourd’hui est d’une richesse particulière. Tout l’évangile de Jean est mystérieux, car il peut se lire à différents niveaux. Même les indications historiques, quelquefois très précises, revêtent une signification différente de l’ordinaire. Par exemple, il est dit aujourd’hui que « Jésus regagna la Galilée en traversant la Samarie. Il s’arrêta au puits de Jacob. Il était environ la sixième heure et Jésus avait soif. » Je ne sais pas si vous avez jamais pensé à cette soif de Jésus, je ne sais pas si vous avez remarqué l’autre moment de la vie de Jésus où c’était la sixième heure et Jésus dit : j’ai soif. C’était sur la Croix. Ainsi, cet épisode de la Samaritaine est tout orienté vers la Croix, vers la révélation suprême de l’amour de Dieu qu’est la Croix, orienté aussi vers le don de l’Esprit. Dans l’Evangile de Jean, l’eau comme le sang sont des symboles de l’Esprit. Or Jean est le seul à rapporter le fait qu’après la mort du Sauveur, un soldat lui transperça le côté de sa lance et il en sortit du sang et de l’eau. Selon la grande tradition de l’Eglise, c’est un signe de l’effusion de l’Esprit. On peut donc dire que dès que Jésus est mort, « Tout est terminé, tout est accompli. » La victoire est accomplie, plus rien n’empêche l’Esprit de descendre.
Or cette venue est déjà annoncée dans l’entretien avec la Samaritaine par la promesse de l’eau vive. L’eau vive, c’est l’Esprit, l’Esprit qui vient dans le cœur humain pour créer un amour nouveau, un état nouveau d’amour de Dieu. Par nous-mêmes, nous ne pourrions pas aimer Dieu, si l’Esprit Saint n’était en nous et si l’eau vive de l’Esprit ne coulait en flots abondants en nous. Or les flots abondants, comme les fleuves, commencent par une petite goutte, qui se multiplie pour donner un petit ruisseau et ainsi, peu à peu, à mesure que nous nous tournons vers le Seigneur et que nous L’invoquons, le don de l’Esprit devient lui aussi plus riche, plus abondant, plus envahissant, plus brûlant, embrasant toute notre vie et tout notre être.
Ce don de l’Esprit est une réponse donnée au cœur de l’homme. Quand Jésus demande à boire à la Samaritaine, de même que lorsqu’Il crie sa soif sur la Croix, ce n’est pas simplement de l’eau naturelle qu’Il réclame. Jésus a soif de l’amour de l’homme. « Mon enfant, donne-moi ton cœur », disent les Proverbes. C’est finalement la seule chose que le Seigneur nous demande : notre cœur. Et quand nous pouvons répondre à cette demande, tout est donné, tout est accompli. Quand nous donnons notre cœur au Seigneur, il n’est plus besoin de rien d’autre.
Mais pour donner notre cœur au Seigneur, tout notre cœur, c’est un long apprentissage. Notre cœur est rempli de tellement de choses : rempli de soucis, de biens, de passions. Il nous faut notre vie entière pour purifier ce cœur, pour le désencombrer. C’est ce que l’Eglise appelle « l’ascèse » ou encore la repentance, la contrition, ou le combat intérieur. C’est ce combat que nous avons vécu pendant le baptême de la petite Anastasie. Ce combat s’est engagé pour nous dès notre baptême et il continuera jusqu’à la fin de notre vie. Le démon est toujours à l’affût, le vieil homme en nous est toujours lourd, nous sommes toujours écartelés entre « la pesanteur et la grâce ».
Nous voici donc, en marche vers le Seigneur, découvrant peu à peu Son amour, Son visage, Sa personne. Voyez la fin du récit de la Samaritaine. La femme court au village et parle de « Celui qui lui a dit tout ce qu’elle avait fait, ne serait-ce pas le Messie ? » Alors les Samaritains, convaincus par ses paroles, viennent à leur tour et invitent Jésus à passer quelques jours chez eux. Jésus y restera deux jours. Ecoutez bien : il resta deux jours et au terme de ces deux jours, « Un beaucoup plus grand nombre crut à cause de Sa parole. Et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons, car nous L’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’Il est vraiment le Sauveur du monde. »
La déclaration des Samaritains est une parole qui doit nous marquer. Nous avons tous reçu le Seigneur par tradition, par la longue suite de nos pères dans la foi, les Pères de l’Eglise, nos pères dans l’Eglise, nos pères et mères dans nos familles. Nous avons reçu d’eux les éléments essentiels de la foi et, déjà par procuration au baptême, puis par fidélité, par obéissance et par confiance, nous avons cru et nous voulons aimer le Seigneur et Le rencontrer. Mais, entre notre vouloir et sa réalisation, il y a justement cette distance qui est le cheminement de l’âme humaine. C’est une quête parfois très longue, très douloureuse, dans laquelle nous frappons nous-même à la porte de notre propre cœur, à la recherche du Seigneur. Néanmoins, le Seigneur est là, Il accueille ce désir et le bénit. La rencontre, le moment de la rencontre peut venir tôt ou tard, il finit toujours par venir. Alors, à celui ou à ceux qui nous ont introduits dans l’Eglise, nous pouvons dire : « Ce n’est plus à cause de toi que nous croyons maintenant, mais nous L’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’Il est le Sauveur du monde. »
Puissions-nous tous dépasser le moment de dépendance, dépendance bénie certes, dépendance heureuse et nécessaire, envers tous ceux qui dans le passé, le présent ou l’avenir, nous ont conduits ou nous conduisent vers le Christ. Puissions-nous atteindre le moment bienheureux de la rencontre personnelle et acquérir la certitude qui nous permette de dire : « Oui, nous croyons et nous savons qu’Il est le Sauveur du monde. » Amen.
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