Parole du père Michael pour la fête de la Théophanie, dimanche 8 janvier 2023.

Nous voici à la Fête de la Théophanie – ce qui se traduit du grec littéralement comme « manifestation ou révélation de Dieu ». En ce jour, nous célébrons le baptême du Christ. Je dois avouer que personnellement je préfère cette fête à celle de Noël, qui se laisse facilement vicier par un certain infantilisme. Rien contre les enfants, mais la foi chrétienne est essentiellement une foi d’adulte, de la maturité humaine. Et c’est comme adulte d’environ trente ans, d’ailleurs l’âge minime pour la prêtrise juive, que Jésus entre en scène.

Regardons d’abord le récit biblique. Que se passe-t-il ? Simplement Jésus arrive, de Nazareth en Galilée, là où son père avait établi sa famille après le retour d’Egypte, pour être baptisé par Jean dans le Jourdain. Sur toute la vie de Jésus à partir de ce retour f’Egypte, jusqu’à ce qu’il arrive au Jourdain, nous ne savons rien, à l’exception de l’épisode raconté par Luc seulement du jeune Jésus de douze ans parmi les docteurs au Temple à Jérusalem. Pas reconnaissable à première vue, Jésus se présente avec le reste de la foule. Dans l’Evangile de Mathieu seulement, Jean le reconnaît, et ne veut pas le baptiser, disant que lui, Jean, aurait besoin plutôt d’être baptisé par Jésus. Mais Jésus insiste. Dans les autres Evangiles, ce n’est que à la descente de la colombe du Saint Esprit, accompagnée dans les évangiles synoptiques par cette voix qui vient du ciel et proclame Jésus fils de Dieu, qu’il est reconnaissable, au moins à Jean. Et qui a en effet entendu cette voix – Jean, Jésus, les autres qui ont été baptisés avec lui ? C’est très peu clair.

La tradition orthodoxe fait beaucoup de cette fête comme première révélation de la Trinité, comme dans le troparion de la fête : « Dans le Jourdain lorsque, Seigneur, tu fus baptisé, à l’univers fut révélée la sainte Trinité ; en ta faveur se fit entendre la voix du Père te désignant comme Fils bien-aimé, et l’Esprit sous forme de colombe confirma la vérité du témoignage. » De même elle pointe l’arrivée de la lumière, de la lumière du Christ dans le monde, d’où la désignation de la fête comme «  Fête des Lumières » : A différents moments dans la célébration de la fête, célébration qui s’étale sur deux jours, nous chantons « Lumière de Lumières, Christ notre Dieu a illuminé le monde, Dieu rendu manifeste » « Tu as amené la lumière à toutes choses par ta Théophanie » ou encore, reprenant, un verset du prophète Isaïe : « vous qui gisez dans les ténèbres, sautez de joie, car une grande lumière vous est apparue’.

Et nous bénissons l’eau. Idéalement la bénédiction de l’Eau à la Théophanie se fait dans une rivière ou à la mer, et on jette une croix dans l’Eau. Il y a ici toute l’idée de la purification, de la bénédiction, et de l’homme et de l’univers : et en fait, il y a un aspect cosmique à la fête : la chute de l’homme s’est étendue à toute la nature, à tout l’univers. Le Christ est venu pour racheter non seulement l’homme mais aussi, de par l’homme racheté, toute la création matérielle.

Je vous invite surtout d’écouter très attentivement la longue prière dite à haute voix après l’ecténie, et avant la bénédiction des eaux. Le mot ‘aujourd’hui’ ou, dans certaines traductions ‘en ce temps’, apparaît au moins 25 fois. C’est parce que la Théophanie marque un jour pivot dans l’histoire du monde : on passe d’une révélation partielle de Dieu, partielle parce que limité à un seul peuple, les juifs, partielle parce que manquait la présence de l’Esprit, et avec lui le passage du légalisme de la Loi à la liberté de l’Esprit. Limitation, partialité qu’on ne sentait que trop bien : toute l’attente des prophètes, avec de très beaux textes qu’on lit pendant les heures royales et aux vêpres de la fête, c’est justement le dépassement de cette situation. Avec l’arrivée du Christ vient la réponse à une attente, l’espoir de quelque chose de plus riche, quelque chose qui comble un manque perçu dans l’ordre des chose à été.

Attente et espoir qui sont toujours là – de quelque chose de plus profond, plus pur, qui nous permet de faire du sens de notre situation dans la vie, dans le monde. Et auxquels nous autres chrétiens nous voyons la réponse dans le Christ, et en acceptant de nous conformer de plus en plus à son image et nous laissant guider par l’esprit de Dieu. Aujourd’hui, car, comme dit St Paul : ‘voici maintenant le temps vraiment favorable, voici maintenant le jour du salut. »